Comment les musées de Toronto accompagnent les personnes atteintes d’Alzheimer dans la découverte d’œuvres d’art malgré leur incapacité à s’en souvenir. – Annuaire des fournisseurs des musées
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Comment les musées de Toronto accompagnent les personnes atteintes d’Alzheimer dans la découverte d’œuvres d’art malgré leur incapacité à s’en souvenir.

(Par May Warren le 25 avril 2016)

Le musée royal et le musée des beaux-arts de l’Ontario organisent chaque mois des visites réservées aux personnes souffrant de démence.

Ces derniers temps, Lorraine Cottle a du mal à se créer des souvenirs. Cette femme de 88 ans s’est vu diagnostiquer la maladie d’Alzheimer il y a environ quatre ans. Il lui est difficile de donner son âge ou de suivre l’intrigue d’une série télévisée.

Récemment pourtant, alors qu’elle était assise un matin en face d’une peinture à l’huile fantaisiste représentant un violon jaune au musée des beaux-arts de l’Ontario, elle a semblé se souvenir l’espace d’un instant. « Si je ferme les yeux, j’entends une chanson. », confie-t-elle. « Les souvenirs peuvent revenir en fermant les yeux. »

Avec sa fille Cheryl, elle participait à une visite spécialement destinée aux personnes souffrant de démence et à leurs aidants, proposée une fois par mois au musée des beaux-arts de l’Ontario et au musée royal de l’Ontario, en partenariat avec la Société Alzheimer de Toronto.

Pour la guide multi-sensorielle Tina Urman, la réaction de Lorraine face à la nature morte française correspond à ce qu’elle appelle un « moment ah ah », une révélation. « C’est pour obtenir ce type de réactions que nous faisons cela », précise-t-elle.

Certaines personnes ne se rappellent même pas être venues à la fin de la journée, « mais l’important, c’est d’être là sur le moment et de pouvoir se remémorer des choses », ajoute-t-elle. « Et pour la personne qui les soutient, d’assister à ce moment ». Cheryl explique que sa mère continue malgré son état de « voir l’art partout » et d’attirer l’attention sur la beauté des branches et des troncs d’arbre nus lorsqu’elle se promène dans la ville en hiver. Elles ont maintes fois écumé les galeries du monde entier et flâné dans ce musée par le passé. « Bien sûr, les choses ont changé, je voulais donc voir comment on pouvait faire aujourd’hui », indique-t-elle.

Pendant la visite d’une heure baptisée « Art in the Moment », des guides bénévoles qualifiés posent des questions qui se veulent bienveillantes et incitatives, en cherchant par exemple à connaître le sentiment qu’inspire une peinture et en s’attachant davantage à l’expérience qu’aux faits et à l’histoire. En passant devant un paysage du Groupe des Sept représentant une fraîche forêt d’automne où des bouleaux s’élèvent du fond rocheux de la baie Georgienne, Tina Urman demande si quelqu’un aimerait se promener dans la peinture et le temps qu’il pourrait y faire. Face à une gigantesque œuvre sérigraphiée et peinte en aérosol d’Andy Warhol, elle demande si quelqu’un se souvient de l’homme représenté. « C’est Elvis », s’écrie Lynda Martin, l’une des participantes. « Love me tender ! »

Les visites s’appuient sur un programme similaire du Museum of Modern Art de New York. Francesca Rosenberg, directrice de la communauté, de l’accessibilité et des programmes scolaires du MoMA, constate que depuis le début des visites en 2006, plus d’une centaine de musées et d’institutions culturelles du monde entier ont mis en place des visites guidées similaires, du Louvre parisien au musée Picasso de Barcelone.

Les aidants craignent parfois de ne pas pouvoir trouver d’activités à partager avec leurs proches, mais selon Francesca Rosenberg :

l’art est un « outil idéal », car il ne sollicite pas la mémoire à court terme.

« Il n’est pas rare que les partenaires de soins apprennent de nouvelles choses intéressantes sur la personne qu’ils accompagnent au musée, car très souvent l’art puise dans les souvenirs à long terme », remarque-t-elle.

Cheryl Blackman, vice-présidente adjointe du développement du public au musée royal de l’Ontario, note que les visites du musée « extrêmement populaires » s’adressant aux personnes atteintes de démence s’attachent souvent à des objets que l’on peut toucher, du crâne d’oiseau à la reproduction d’une statue de Bouddha chinoise.

En partenariat avec Autisme Ontario, le musée royal a mis au point un guide du visiteur en ligne destiné aux personnes atteintes d’autisme, dans lequel figurent des conseils tels que les lieux calmes pour faire une pause et les périodes à forte affluence à éviter. 

Conjointement avec Autisme Ontario, Easter Seals et une entreprise de Toronto nommée Magnusmode, le musée développe également une partie d’une application visant à aider les personnes autistes à mieux se repérer dans le musée. « Nous voulons nous assurer que les barrières ont été supprimées ou que nous travaillons activement à éliminer celles qui restent », affirme Cheryl Blackman concernant la programmation.

Pour Erin Hawker-Budlovsky, travailleuse sociale de la Société Alzheimer de Toronto, ces visites sont l’occasion d’affronter l’« abattement et la tragédie » qui peuvent entourer la maladie. « Malgré les difficultés qui accompagnent le diagnostic au quotidien, de nombreuses activités restent possibles pour mieux vivre la maladie », assure-t-elle.

Retrouvez l’article original sur https://www.thestar.com/life/2016/04/25/how-toronto-museums-are-helping-people-with-alzheimers-experience-art-even-if-they-cant-remember-it.html
Texte traduit de l’anglais par ITC Traduction